Moi pas peur, moi pas peur ... AAaahhh {Kanvaël}

Kanvaël & Maureen

Moi pas peur, moi pas peur… AAAaahhhh

L’hiver était arrivé à Great Falls et avec lui les rhumes, bronchites et autres infections respiratoires. L’une des meilleures plantes capables de soulager ces maux se trouvait dans un peu partout dans la région : le plantain ! Mais la plus efficace avait son territoire dans la forêt et vu que la pharmacie avait fait une énorme commande, Maureen se proposa d’aller à la cueillette de ce remède naturel.

Emmitouflée dans son manteau d’hiver, moonboots, gants et bonnet vissé sur la tête, elle avait longé le chemin de la Flower Ocean Farm jusqu’à la forêt. La neige qui était tombée depuis quelques jours avait rendu les chemins en forêt assez sombres. Elle respira un peu lorsqu’elle traversa le petit pont de la rivière pour aller sur l’autre rive, là les arbres étaient un peu plus éparses et laissaient poindre un peu de lumière mais elle eut une drôle de sensation, comme si quelqu’un était là quelque part. Elle s’empressa de traverser le pont de bois et trouva son bonheur : des dizaines de fleurs de plantains se dressaient devant elle.

Elle se pressa d’en cueillir les feuilles qu’elle déposa dans une besace mais à peine avait-elle fini de remplir son sac qu’une bourrasque de vent faillit lui arracher tout ce qu’elle avait récolté. Elle leva les yeux et comprit qu’une tempête se préparait ! En moins de deux elle avait rassemblé ses affaires et elle prit le chemin en sens inverse, avec toujours cette désagréable sensation qu’il y avait quelqu’un dans le coin !

Elle traversa le pont avec précaution puis commença à marcher un peu plus vite… Maureen était courageuse mais pas téméraire et la luminosité était de plus en plus médiocre à mesure qu’elle traversait la forêt. D’un seul coup elle entendit quelque chose craquer, elle sursauta se retourna en priant pour ne pas tomber sur un grizzly et murmura quelques mots pour se donner du courage pour avancer plus vite :

- Ce n’est rien, surement la neige qui fait craquer les branches… Ahhhhhhh

Elle hurla à plein poumons alors qu’une ombre venait de se planter juste devant elle, dans la panique elle avait fait tomber sa besace dont les feuilles ne s’étaient miraculeusement pas échappées.

L’Amérique. Sans aucun doutes l'un des pays les plus peuplés de notre bonne vieille Terrre, et pourtant … Et pourtant Kanvaël ne s'était jamais senti aussi seul. Ses parents n'étaient pas là, sa sœur n'était pas là, sœur qui, d'ailleurs, se plairait beaucoup dans ce petit coin du monde, et aussi, son mentor n'était pas là. L'irlandais ne fut jamais particulièrement doué pour se faire des amis. Enfin … Ceci est un euphémisme, disons plutôt qu'il était carrément mauvais. Distant, renfermé, inexpressif, et surtout d'une timidité maladive, il ne parlait jamais à personne, sauf si nécessaire, et, personne ne lui parlait, étant pratiquement invisible. Oh, qu'elle était loin l'époque où il se faisait arrêter dans la rue pour prendre des photos ou signer des autographes. L'époque où il était invité sur de nombreux plateaux télé, The Pride of Ireland, l'étoile montante de la boxe, ou encore la forteresse imprenable. Les journalistes sportifs lui avaient donnés de nombreux surnoms, et, le jeune homme était admiré par beaucoup. Mais voilà, une terrible intervention lui ôta son œil, et, sa carrière finit brutalement, alors qu'il était à deux doigts d’acquérir la ceinture tant convoitée. Il dut rentrer au pays, déprimé, sans aucun rêve, sans aucun but. Il lui fallut un an pour trouver le courage de reprendre les gants, de repartir courir dans la forêt, et entraîner les gamins de son village, qui voulaient faire comme leur idole : lui. Voir la joie dans leurs sourires, dans leurs yeux, cela l'aidait à avancer. Eux, ne pouvaient espérer meilleur entraîneur.

Ainsi, en quittant tout cela, en rejoignant le Nouveau-Monde, le boxeur recommença sa vie, ne connaissant personne, si ce n'est une partie de sa famille qu'il n'avait jamais vue. Et là, le cinéma habituel revenait, la solitude des plus sombres planaient sur lui. Alors, pour ne pas devenir fou, chaque soir il allait courir dans les montagnes, ou dans la forêt, non loin de la petite ville. Cela lui rappelait sa terre natale, et lui faisait oublier tout cela. C'est donc par une belle soirée, alors que le jour était encore présent, que, notre étranger était parti courir dans la forêt. Des gants en laines sur les mains, un bonnet blanc sur la tête, son survêtement portant en gros son nom et ses couleurs, à savoir le blanc et le vert, vestige de son passé prestigieux, des basket, ainsi qu'un bandeau noir pour cacher son œil. Oui, il était habillé léger, il n'avait jamais eu peur du froid, ou encore de la neige. Il préférait partir en ayant froid, afin que cela le motive à courir pour se réchauffer.

C'est après deux petites heures à courir dans le blanc que l'air changea. La température baissa d'un coup, et une brise vint lui lécher les joues endormies par le froid. L'athlète s'arrêta de courir, et leva l’œil vers le ciel. Ciel qui ne présageait rien de bon, une tempête approchait, et, il valait mieux rentrer. Il ne connaissait pas du tout le coin, et, dégourdi comme il l'était, se balader dans un coin inconnu en pleine tempête, c'était quasiment certain qu'il se perdrait.

Se décidant alors à rentrer, le jeune homme entendit des bruits de pas. Des bruits de pas humains, ce qui le rassura grandement. Même s'il possédait des crochets susceptible de blesser certaines bêtes, tomber nez à nez avec un ours n'était sans doutes pas la meilleure des choses pour notre espérance de vie. S'approchant alors, faisant attention de ne pas tomber, il vit que l'humain en question était Maureen. Une habitante de Great Falls, un peu plus âgée que lui, blonde et mignonne, avec qui il avait eu certains … Désaccord, si l'on peut appeler ça ainsi. Pour dire vrai, tout deux s'étaient engueulés à cause d'un malheureux accident. Kanvaël, de son côté, s'apprêtait à forger de nouveaux fers, et, avait ôté son œil de verre, afin de ne pas le perdre, peur qui le hantait depuis que son vrai œil lui fut arraché, avant de recouvrir le trou béant par son habituel bandeau. La demoiselle arriva à ce moment, alors qu'il essuyait l’œil en verre. Bien évidement, la jeune femme arriva dans son angle mort, sans le moindre bruit. S'ensuivit donc un débat … Musclé sur le fait qu'il n'avait pas à faire cela.

Voyant la blondinette seule sur le sentier, il voulut la rejoindre. Se perdre toute seule dans la forêt alors qu'une tempête menaçait n'était pas la meilleure des idées. Malheureusement, ce qu'il provoqua chez elle ne fut pas un regain d'espoir ou autre, mais plutôt une terreur subite. En effet, à peine débarqua-t'il devant elle qu'elle se mit à hurler avec force. L'irlandais se mis à sourire, regardant d'un œil curieux la besace qui était tombée au sol dans toute l'agitation. Il se dirigea vers celle-ci pour la récupérer et la tendre à la jeune femme encore sous le choc.

« Je … Suis désolé, je ne voulais pas vous faire peur. »

Le maréchal-ferrant se mit à rire légèrement, tout en passant son index sur le vide laissé par l’œil manquant, avant de se rappeler que, la jeune femme n'était pas particulièrement friande de ce genre d'actions. Toussotant un coup, le temps de trouver quelque chose à dire, son bras se déroula vers le sentier pour l'inviter à avancer.

« Vous devriez vous dépêcher d'avancer. Une tempête menace, et, habillée comme vous êtes, avec le bruit que vous faites en vous déplaçant, vous risquez d'être la cible de bêtes qui auraient ratés leur hibernation. Je sais que vous ne m'aimez pas particulièrement, mais … Je doute que vous promener seule dans ses conditions soit une bonne idée. Qu'en pensez-vous ? »

Le boxeur tenta un sourire chaleureux, mais, il ne fut jamais particulièrement doué pour les sourires ...

Il lui fallut quelques dixièmes de seconde avant de se rendre compte que l’ombre qui s’avançait vers elle n’était ni un monstre, ni un ours, ni… enfin aucune chose horrible et dangereuse qui avait traversé l’esprit imaginatif de notre chère blondinette. Non ce n’était que… elle dut faire un certain effort avant de reconnaitre l’homme qui se tenait en face d’elle en survêtement, bonnet sur la tête. Elle finit par reconnaitre Cyclope - le pirate, œil de lynx- elle lui avait donné tellement de surnoms qu’elle avait l’embarras du choix. Elle avait été contente de se retrouver face à un humain, mais bien moins ravie de se retrouver face à lui. Elle eut un frisson de dégout lorsqu’elle se rappela leur rencontre et cette vision cauchemardesque de ce trou au milieu du visage de cet homme.

Et dire que Mary-Jane n’arrêtait pas de la saouler avec ce cousin venu d’Irlande. Combien de fois lui avait-elle dit qu’il était bâtit comme un dieu et qu’il avait un sourire à tomber. Maureen c’était focalisé sur cet œil manquant et n’arrivait pas à penser à autre chose lorsqu’elle le croisait. Heureusement, aujourd’hui il avait opté pour un bandeau qui masquait son orbite vide.
Il s’excusa de lui avoir fait peur et lui tendit sa besace qu’elle lui arracha presque des mains bien malgré elle. Le rire qui s’échappa de la bouche de l’Irlandais était étrangement agréable mais fut vite effacé par ce geste dégoutant qui donna la nausée à Maureen : il touchait la cavité où aurait dû se trouver un œil… Elle lui aurait bien répondu quelque chose si son estomac n’avait pas menacé de s’échapper de sa gorge ! Elle porta donc son attention sur son sac alors qu’il ajoutait en lui montrant un mauvais chemin :

« Vous devriez vous dépêcher d'avancer. Une tempête menace, et, habillée comme vous êtes, avec le bruit que vous faites en vous déplaçant, vous risquez d'être la cible de bêtes qui auraient ratés leur hibernation. Je sais que vous ne m'aimez pas particulièrement, mais … Je doute que vous promener seule dans ses conditions soit une bonne idée. Qu'en pensez-vous ? »

Alors qu’un sourire plutôt plaisant se peignait sur son visage, le borgne, habillé d’un survet’ blanc et vert, avait parlé des fringues de Maureen, de sa démarche peu légère et mettait en avant son statut de mâle dominant et lui disant qu’il était dangereux de s’aventurer dans le coin.

- Le chemin le plus rapide pour sortir des bois c’est par ici, dit-elle avec une pointe de sarcasme en prenant le chemin de gauche qui menait directement aux terres de Tante Meg. Mais merci quand même Kanvaël ! Ajouta-t-elle en remarquant l’inscription dans le dos du joggeur.

Elle passa devant en lui adressant un sourire forcé, mêlé d’une hardiesse qu’elle n’utilisait qu’en présence d’une certaine personne de son passé, puis elle continua à marcher dans se retourner. Ne plus l’avoir en face de lui fut un plus et elle put parler sans risquer de grimacer devant la disgrâce du maréchal-ferrant.

-Je connais bien les environs vous savez, ça fait un moment que je traine dans les parages ! Et pour votre gouverne, je ne pense pas qu’un animal s’en prendrait à moi, vous retiendrez toute son attention avec les couleurs de votre survêt !

Alors qu’elle terminait sa réplique qu’elle trouvait amusante, elle entendit craquer un peu plus loin dans la forêt. Elle dirigea son regard vers le bruit et une pointe de panique commença à lui piquer le ventre : le vent était de plus en plus violent et la neige avait commencé à tomber de plus belle. Elle n’aurait peut-être pas le temps de rentrer jusqu’à la ferme mais il y avait le vieux silo à grains à quelques mètres de là, elle pourrait attendre là-bas que le temps se calme…
Elle regarda l’homme qu’elle avait laissé derrière elle et attendait sa prochaine réaction. Avait-il bien pris sa petite remarque moqueuse ? Jouerait-il les machos ? Et Maureen allait-elle l’inviter à trouver refuge au vieux silo ?

Rencontrer sur Maureen dans cette forêt était une aubaine, une merveilleuse chance offerte par le Destin que de réunir deux jeunes gens. Elle était si souriante et chaleureuse, surtout envers Kanvaël. Non, je vous rassure, je déconne. Leur relation était … Des moins chaleureuse, la jeune femme ne l’appréciait guère, et, ne se privait pas de le démontrer à chaque fois. D'autant plus que, de l'avis du borgne, c'était de sa faute à elle que le « malheureux incident » s'était produit. En effet, n'est-il pas idiot d'arriver dans l'angle mort d'un borgne sans rien dire, et de se plaindre par la suite, qu'il ne l'ait pas vue ? Ah, quelle magnifique engueulade il y eut ce jour-là, cette femme voulant absolument avoir raison, lui, qui ne pouvait que clamer son innocence, due à son handicap. Ainsi, depuis, lorsqu'ils se croisent, entre eux, c'est la Guerre Froide.

Étrangement, cela dit, lors de ces fameuses retrouvailles dans la forêt, la demoiselle semblait … Apaisée, voire même, presque contente de le voir, sans doutes son sourire gêné y était pour quelque chose. Mais … Lorsqu'il eut ce fameux réflexe que de caresser le bandeau, à l'endroit exact du vide, cela plut nettement moins, et, le visage de Maureen se déforma, faisant lire à tout le monde son dégoût pour la chose.

Lorsqu'il prit la parole, son interlocutrice sembla mal le prendre, et tenta de se venger comme elle le pouvait, démontrant que son chemin n'était pas le bon, avec un grand sarcasme dans la voix. Que cela était plaisant de se promener avec une telle fille. Cela ne faisait qu'une poignée de secondes qu'ils s'étaient retrouvés, et, l'étranger ne pouvait déjà plus la supporter, sentant la sauce monter en lui.

« Excusez-moi de ne vivre dans le coin que depuis trois semaines. Un chemin ou l'autre, il faut le prendre, et se mettre à l'abri, on s'en fout de perdre deux minutes. »

Elle le remercia avec tout autant de sarcasme, l’appelant par son nom, semblant vouloir faire la maligne, et démontrer sa supériorité sur la chose. La demoiselle passa devant lui avec un sourire étrange. Sans doutes ne voulait-elle plus se retrouver face à ce fameux bandeau. En tout cas, une fois devant, elle reprit la parole, disant que, cela faisait longtemps qu'elle traînait dans le coin, et que, si une bête s'approchait, elle serait sûrement plus attirée par les couleurs de son survêt, qui, rappelons-le, était principalement fait de blanc, que ses vêtements à elle, d'un ton amusé. Là, c'était trop. Kanvaël arriva à sa limite, la colère montait en lui, et, pour ne pas faire de bêtises, il dut avancer vers un arbre pour le frapper d'un violent direct, arrachant ainsi de l'écorce et déchirant sa peau. Le bruit fit sec et violent, sa main saignait légèrement, mais, tout allait beaucoup mieux. Le boxeur s'approcha d'elle, l'air colérique, un doigt pointé vers elle.

« Vous osez insulter les couleurs de mon pays, vous osez insulter mon passé. Je vous suggère de bien faire attention à ce que vous dites. Je veux bien être gentil, mais, il y a des limites à ne franchir. Et, au cas où vous seriez dénuée d'intelligence, le blanc, sur le blanc, cela ne se voit pas. »

Il reprit la marche en accélérant le pas. Que cela était une mauvaise idée de l'avoir rejoint. Elle était insupportable. Critiquer les couleurs qu'il portait quelques années auparavant … C'était cracher sur tout ce qu'il était, tout ce qu'il avait fait de sa vie, et surtout … Sa sœur. C'était elle qui avait choisi les couleurs de son pays, qui avait dessiné le short et le survêtement. Alors, pas de pitié.

Au fur et à mesure que le forgeron avançait, le vent devenait de plus en plus fort, mais, très peu de temps avec sa nouvelle engueulade, un bruit se fit entendre. Était-ce une bête ? Un autre villageois ? Ou bien quelqu'un qu'il ne fallait pas croiser ? Sur l'instant, l'Irlandais n'en avait que faire, il ôta le bandeau cachant son œil et se l'enroula autour du poing, rabaissant par la même occasion son bonnet pour cacher le trou de son œil. Il se retourna alors vers celle qui avait ce fameux don pour le foutre en rogne.

« Bougez-vous. Quelque chose rôde, si vous restez derrière, et que ce quelque chose vous tombe dessus, vous serez dans la merde. »

Malgré le vent qui commençait à souffler vraiment fort et à siffler dans ses oreilles, elle avait entendu ce craquement et elle comprit tout de suite que le borgne n’avait pas apprécié sa remarque qu’elle avait voulue gentiment moqueuse. Après tout, elle s’amusait beaucoup avec Roscoe à une époque, lors de leurs joutes verbales aussi piquante que divertissante. Mais l’homme qui s’avança vers elle en la pointant du doigt n’avait rien à voir avec Roscoe et l’œil qui la fixait n’avait pas cette pointe d’amusement qui trahissait parfois la froideur du meilleur ami de Jason.

Instinctivement elle recula lorsqu’il arriva près d’elle et sentit son cœur s’emballé. Allait-il la frapper ? Elle n’avait aucune envie de jouer les malignes afin de tester les limites de ce mec. Il était susceptible, exaspérant et franchement pas apte à comprendre la plaisanterie, ils ne s’entendraient jamais tous les deux, Maureen en était persuadée. Elle l’écouta parler des couleurs de son pays, du fait qu’elle venait d’insulter son passé et elle dû admettre qu’elle avait fait une petite boulette, mais de là à fracasser un arbre… Elle n’avait pas insulté sa famille tout de même et qui aurait pu savoir que ce blanc brillant et ces pointes de vert étaient aussi importante pour lui.

Elle se serait volontiers excusée s’il n’avait pas insinué qu’elle était idiote. Oui le blanc sur du blanc cela ne se voyait pas, mais au beau milieu de la forêt, là où la neige n’avait pu tomber à cause de l’importante végétation, le blanc se voyait très bien ! Mais elle préféra ne rien dire pour ne pas énerver le susceptible joggeur. Surtout qu’elle avait arrêté de reculer et qu’il avait fini par la rejoindre.
Le vent sifflait tellement dans ses oreilles qu’elle ne réagit pas lorsque le maréchal-ferrant se retourna vivement, visiblement il avait entendu quelque chose. Elle l’observa et fut parcourus d’un frisson lorsqu’il retira son bandeau pour se couvrir la main.

*Beurk, beurk, beurk, pensa-t-elle Il est obligé d’enlever son bandeau, c’est dégeu’*

Il se retourna vers elle et elle fut soulagé de ne rien voir d’écœurant. Il avait ramené son bonnet sur son œil. L’avait-il fait exprès pour ne pas la choquer, elle n’en avait aucune idée mais elle aurait pu ressentir un soupçon de gratitude s’il n’avait pas ouvert la bouche :

« Bougez-vous. Quelque chose rôde, si vous restez derrière, et que ce quelque chose vous tombe dessus, vous serez dans la merde. »

Il le faisait vraiment exprès ! Ce mec était vraiment exécrable et elle aurait bien voulu lui fausser compagnie mais son attitude était comme un défi. C’était à qui serait maitre de la situation et Maureen n’avait pas l’intention de se faire choper l’avantage. C’était lui le nouveau, c’était à lui de la suivre, surtout qu’ils étaient sur les terres de Tante Meg…
Elle pressa le pas pour lui barrer la route et lui indiqua le silo tout proche :

- C’est vous qui serez dans la merde si vous ne m’écoutez pas ! Vous êtes sur les terres de ma tante, je connais les environs, vous voyez là-bas, c’est un ancien silo à grain. En se dépêchant nous y arriverons avant que la tempête nous empêche de voir notre route !

Le silo était abandonné depuis des lustres et il avait été question de le raser plus d’une fois… Maureen remercia son oncle de ne pas avoir mis ce projet à exécution. A mesure qu’elle avançait vers l’ancienne bâtisse, elle sentait le vent forcir et le neige lui fouetter les joues. Elle n’attendit pas de voir si Mr Grincheux la suivait ou non, elle craignait même de se retourner et de voir qu’il était parti. Il fallait se presser d’arriver… Mais elle avait une appréhension : arriverait-elle à ouvrir la porte en bois qui faisait des siennes ?

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